aris on Sat, 6 Apr 2002 16:08:04 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] Appel - Soutenir Israel ? Pas en notre nom !


Soutenir Israël ? Pas en notre nom !
Solidaires des droits nationaux et démocratiques du peuple palestinien, nous
refusons l'escalade guerrière.


Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) appelle à
manifester le 7 avril, non seulement pour protester contre les attaques de
lieux de culte, mais pour « soutenir Israël ». Alors que le nettoyage
militaire bat son plein dans les territoires occupés, ce soutien prend une
signification bien particulière. Prétendant parler au nom des Juifs du monde
entier, les dirigeants israéliens et les porte-parole communautaires
usurpent la mémoire collective du judéocide et commettent un détournement
d'héritage. Reprenant le mot d'ordre des opposants américains aux croisades
impériales, nous répondons : « Pas en notre nom ! » Ariel Sharon a en effet
résolu, avec le soutien de George W. Bush, d'écraser la résistance
palestinienne, de détruire ses institutions, d'humilier ses dirigeants et
d'acculer leur peuple à un nouvel exode. Le jour de Pâques, les informations
télévisées nous ont offert le spectacle dégoûtant d'un président « étasunien
», affalé en tenue décontractée de week-end, réclamant cyniquement un
surcroît d'efforts et de bonne volonté à un Yasser Arafat assiégé dans ses
locaux, privé d'eau, et éclairé à la bougie ! Devant la tragique solitude du
peuple palestinien, la « communauté internationale » rivalise en démissions
et capitulations honteuses.

Les ministres travaillistes israéliens exécutent docilement la politique du
pire ! Les dirigeants arabes ne font rien pour faire respecter les droits du
peuple palestinien. Prompts à emboîter le pas aux légions impériales
américaines au nom du droit international, les dirigeants européens se
contentent au mieux de bonnes paroles lorsque les troupes de Sharon bafouent
ouvertement les résolutions de l'ONU ! Les belles âmes intellectuelles, qui
se sont émues, à juste titre, du sort des réfugiés kosovars ou des
bombardements sur Grozny, se taisent sur le sort des réfugiés palestiniens
et se lavent les mains devant les murs calcinés et les ruines de Ramallah !

Pleins de compassion pré-électorale envers les victimes d'actes antisémites
que rien, et certainement pas le soutien au peuple palestinien, ne peut
justifier, nos gouvernants deviennent pudiquement silencieux devant les
crimes commis par les troupes d'occupation en Cisjordanie ! Ceux et celles
qui justifient le droit au retour des juifs en Israël, au nom d'un droit du
sang millénaire, refusent le droit du sol aux Palestiniens ! Les dignitaires
des Nations unies s'accommodent des humiliations infligées à l'Autorité
palestinienne ! Ceux qui prétendent administrer la justice universelle
détournent la tête devant les « liquidations extra-judiciaires », les
exécutions sommaires de prisonniers, et les crimes de guerre d'Ariel Sharon
! 

Reconnu par l'Autorité palestinienne et par nombre de gouvernements arabes,
le fait national israélien est désormais établi de manière irréversible.

Mais une paix durable exige la reconnaissance réciproque de deux peuples et
leur coexistence fondée sur les droits égaux. Les Israéliens ont un Etat
souverain, une armée puissante, un territoire ; les Palestiniens sont
parqués dans des camps depuis un demi-siècle, soumis aux brutalités et aux
humiliations, assiégés sur un territoire en peau de chagrin : grande comme
un département français, la Cisjordanie est lacérée de routes stratégiques,
criblée de plus de 700 check points, hérissée de colonies. Il n'y a pas
symétrie entre occupants et occupés.

Le retrait inconditionnel de l'armée israélienne des territoires occupés et
le démantèlement des colonies ne constitueraient même pas une réparation de
l'injustice faite aux Palestiniens, mais seulement l'application d'un droit
formellement reconnu depuis trente-cinq ans, des résolutions 242 et 337 de
l'ONU jusqu'à la résolution 1042 du Conseil de sécurité. Bush demande au
contraire toujours davantage de concessions et de gages aux victimes. Sharon
séquestre leurs représentants, dynamite leurs maisons, tandis que son armée
bloque les secours sanitaires. Cette politique du pire conduit tout droit à
la catastrophe non seulement le peuple palestinien menacé d'un nouvel exode
purificateur, mais aussi le peuple israélien entraîné dans la spirale
suicidaire de ses dirigeants. Car quel peut être l'avenir d'un Etat fondé
sur l'oppression, l'injustice et le crime ? Et quel peut être l'avenir d'un
peuple fuyant ses malheurs et ses angoisses dans une escalade meurtrière ?

Il était prévisible qu'à force d'assimiler le judaïsme à la raison d'Etat
israélienne et de présenter les institutions juives comme des ambassades
officieuses d'Israël, les apprentis sorciers du Grand Israël finiraient par
être pris au mot, ce qui n'en rend pas moins odieux et inadmissibles des
attentats contre des synagogues et des écoles.

Nous condamnons les agressions qui visent une communauté en tant que telle
et rendent les juifs collectivement responsables des exactions commises par
le gouvernement israélien. Nous condamnons toute dérive antisémite de la
lutte contre sa politique. Nous condamnons, pour raisons tant morales que
politiques, les attentats contre les populations civiles en Israël. Les
actions contre les colonies et l'armée d'occupation relèvent en revanche
d'une résistance historiquement légitime et d'une défense de droits
imprescriptibles. Il y a trois mois encore, le ministre israélien de
l'intérieur Ouzi Landau annonçait dans Le Monde (14 décembre 2001) une «
lutte à mort » contre les Palestiniens, aussi longtemps que ces derniers
auraient une goutte d'espoir. Ce désespoir sciemment entretenu constitue
ainsi le terreau dans lequel s'enracine la violence extrême.

Alors que Sharon avait promis la sécurité aux Israéliens, leur pays est
devenu l'endroit du monde où les juifs sont le plus en insécurité. Liant le
sort de son peuple à la guerre illimitée contre le terrorisme décrétée par
George W. Bush, il était pourtant clair que sa politique du pire deviendrait
une machine infernale à fabriquer des kamikazes. Dénonçant toute dérive
raciste ou antisémite en France comme au Moyen-Orient, solidaires des droits
nationaux et démocratiques du peuple palestinien, nous refusons l'escalade
guerrière et sa chronique d'un désastre annoncé. Nous exigeons l'application
des résolutions de l'ONU, le retrait inconditionnel d'Israël des territoires
occupés, le démantèlement des colonies et la reconnaissance immédiate par
l'Union européenne d'un Etat palestinien laïque et souverain.

Daniel Bensaïd, Rony Brauman, Suzanne de Brunhoff, Liliane
Cordova-Kaczerginsky, Marc Cramer, Joss Dray, Rachel Garbaz, Gisèle Halimi,
Samuel Johsua, Francis Kahn, Pierre Khalfa, Hubert Krivine, Isabelle
Kzwykowski, Dominique Lévy, Henri Maler, Willy Rozenbaum, Nicolas
Shashahani, Catherine Samary, Michèle Sibony, Pierre Vidal-Naquet, Olivia
Zemor. 

Appel publié dans le quotidien Le monde, 6 mars 2002



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