Aliette Guibert-Certhoux on Fri, 11 May 2012 19:48:36 +0200 (CEST) |
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[Nettime-fr] Coopérative et coopératives - sur Chomsky |
Voici une traduction du dernier entretien de Chomsky avec la journaliste Laura Flanders (Free Speech TV, 24 avril 2012) décrypté par elle, et publié dans divers sites libres : http://www.larevuedesressources.org/noam-chomsky-sur-le-suicide-economique-de-l-amerique,2326.html C'est une traversée dans l'histoire des luttes sociales... La présentation : Il s’agit du décryptage de l’entretien télévisé avec Noam Chomsky réalisé par Laura Flanders pour Free Speech TV le 24 avril 2012, à l’occasion de la parution de Occupy, titre de l’auteur dans la série des opuscules activistes des éditions Zuccotti Park Press (éditions alternatives de l’association sans profit Adelante Alliance, pour l’éducation et la défense des immigrants, basée à Brooklyn). Où Chomsky parle de « Occupy Wall Street, d’anarchisme, du travail » — syndicalisme, autonomie ouvrière, statut des moyens de production — « du racisme, du pouvoir d’entreprise (Corporate Power) et de la guerre des classes » principalement aux États-Unis mais pas seulement, sans manquer d’évoquer aussi, en passant, le « suicide » européen... À propos de la brochure "Occupy" qu'il a publiée chez Zuccotti Park Press : http://www.adelantealliance.org/?page_id=152 En voici une longue note de circonstance : [17] Très répandues en France après la première guerre mondiale, et facteurs déterminants de la relance de l’activité et de l’économie autonomes du plan Marshall (dans cette région européenne demeurant réfractaire à l’ingérence bien qu’elle reçoive alors des fonds de soutien), après la seconde guerre mondiale, les coopératives constituent un fond culturel commun à la fois politique et économique entre l’histoire sociale de l’Europe et celle des États-Unis, notamment révolutionnaire, où l’immigration lança le pont de la Première Internationale, à quoi il convient d’ajouter au-delà de l’Atlantique les traditions communautaires des ethnies américaines natives. Mais dans la république française les coopératives (propriété et/ou gestion collectives) connurent un épisode de développement général non révolutionnaire parallèle à l’industrie capitaliste, au modèle économique indépendant non seulement efficient mais prospère, largement répandu et partagé dans plusieurs couches sociales, jusqu’à l’événement de la déréglementation du capital au début des années 1970 (sous la Présidence Pompidou). Système de production et de partage électifs internes selon une démocratie horizontale, ou associatif entre plusieurs communautés de même intérêt, avec une autonomie gestionnaire au sein d’un monde plus vaste qui est celui de la transaction et de la négociation sans intermédiaire (marché compris), les coopératives réalisent d’une part la fonction auto-productive pour l’auto-suffisance vitale de la communauté sociale concernée, et d’autre part pour les biens qu’elle ne pourrait se procurer par elle-même, (serait-ce la necessité de l’argent supplémentaire pour pouvoir étendre ses échanges ou les déplacements de ses membres au-delà d’elle-même), l’échange économique et/ou commercial de base fondé sur un rapport d’équivalence entre la valeur d’usage et la valeur d’échange des produits ou des fournitures, et leur prix équitable en monnaie sans plus-value. Elles sont inspirées par l’autonomie des cités monastiques ou phalanstères médiévaux, et remontent, pour ce qui est de leur version laïque démocratiquement organisée en France, aux tisserands cathares et maranes pluri-communautaires — la croix catalane pommelée signifie en ses points le ralliement associatif à la marge et en ses branches le réseau — réfugiés dans les Pyrennées autour des Parfaits sous une double identité, pour échapper aux persécutions, à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe. Où les décissions se prenaient horizontalement et la fourniture de la laine par les anglais et de ses textiles par les français (en partie échangés de façon équivalente) étaient directement négociés via le port de Bordeaux, résistance par l’autonomie économique à l’environnement hostile du Royaume unifié par la guerre et la répression. Le XVIIIe siècle donna aux coopératives les lettres de l’industrie moderne révolutionnaire mais encore une critique du mode d’organisation sociale à laquelle le philosophe utopiste Charles Fourier (1772-1837) (suivre le lien) contribua en premier lieu, et ensuite L’École Sociétaire, qui poursuivit de transmettre ses idées. Concernant l’exemple le plus remarquable que ce mode de production et de vie ait inspiré, dans la société moderne jusqu’à la société postmoderne, en Europe francophone (il y a eu plusieurs coopératives en Belgique), on peut citer le Familistère de Guise (suivre le lien), communauté de production, habitat, et architecture industrielle et résidentielle, dont la construction commencée en 1858 fut achevée en 1883, sous l’égide de l’industriel et socialiste utopique Jean-Baptiste André Godin (1817-1888), ami de Victor Considerant (mais dont il saura tirer le bilan de l’échec de l’expérience française du phalanstère La Réunion au Texas), et dont la fondation philantropique coopérative autogérée lui survécut avec le plus grand succès commercial jusqu’en 1968. il s’agit des poêles, cuisinières, et accessoires de cuisine, en fonte, et cheminées, connus sous la marque Godin, qui étaient associés au combustible fossile du charbon, (cause de leur déclin à l’horizon de l’hégémonie du pétrole et du gaz naturel, avec la condition agravante de la disparition des acieries françaises et notamment des fonderies lorraines), et dont il ne resta ensuite que les accessoires de cuisine des petites fontes Le Creuset, devenues des ustensiles d’excellence à vocation de l’exportation de luxe, et les cheminées pré-fabriquées Philippe... Beaucoup d’autre petites ou plus grandes communautés productives autogérées ou regroupées sans référence philosophique particulière, dont le principal du tissage pyrénéen de la laine, émergent des anciennes communautés cathares (production et marché indépendants avec le Royaume Uni jusquà la fin des années 1960), des tissages catalans ou basques du coton, des fabriques de confection, de vêtements de prêt-à-porter, des objets de mercerie et de passementerie (parfois considérés comme faisant partie des Trésors nationaux), de la bonneterie (textiles tricotés), menuiseries, des matériaux de couverture et des sols en terre cuite, en ardoise ou en pierre, des céramiques, de la vaiselle, et plus généralement les coopératives agricoles permettant aux paysans de se regrouper non seulement pour l’achat des machines mais pour leur usage collectif solidaire, chaque saison venue... Tout cela fut dynamique et largement le modèle et le lot d’une bonne partie de la production en France et de son commerce national comme à vocation internationale directement négociés, autogérés, autodistribués et restés majoritairement indépendants des grandes firmes, jusque dans les années 1960. -- Animatrice, éditorialiste, directrice des éditions http://www.criticalsecret.com http://www.criticalsecret.net http://www.criticalsecret.org Podcast thématique http://www.criticalsecret.com/n15/index.php Auteur et partenaire éditorial http://www.larevuedesressources.org _______________________________________________ Nettime-fr mailing list http://www.nettime.org/cgi-bin/mailman/listinfo/nettime-fr